Lutte contre le paludisme :  des chercheurs et organisations de la société civile se parlent

L’Institut national de recherche en Sciences de la santé a organisé, le vendredi 8 décembre 2023 à Ouagadougou, un atelier d’échange et d’informations sur le projet des moustiques génétiquement modifiés. 

✍️ Frank Pougbila

En 2022, plus de 11 millions de cas de paludisme ont été enregistrés au Burkina Faso. Pour combattre ce mal plusieurs solutions sont en cours d’experimentation. Parmi elles, le projet Target Malaria. Lancé en 2012, le projet est à sa phase deux. Pour cette raison, des chercheurs de l’Institut en recherche en sciences de la santé ( IRSS) ont convié des organisations de la société civile et organisations non-gouvernementales intervenant dans le domaine de l’environnement, le vendredi 8 décembre 2023 à Ouagadougou. L’objectif est d’échanger sur les biotechnologies notamment le moustique génétiquement modifié dans le cadre de l’élimination du paludisme. 

Le processus de développement de la technologie du moustique génétiquement modifié et les biotechnologies en santé et Gene drive : cas du Target Malaria, sciences et engagement des parties prenantes. Ce sont les thèmes développés par Jean Birba.

 Dans son exposé, le chercheur de l’IRSS a expliqué que le développement de la technologie est en trois étapes. Une première qui consiste à la capture des moustiques et lâcher des moustiques pour observer leur comportement dans la nature. Plus de cinq ans ont pris les travaux de cette phase. 

Jean Birba, de l’IRSS, est confiant quant aux résultats du projet Target Malaria

En 2019, les premiers moustiques ont été lâchés à Bana ( dans les Hauts-Bassins). « Ces moustiques génétiquement modifiés ont été ensuite capturés et les résultats des analyses ont été satisfaisants», a-t-il rassuré. 

La deuxième étape va consister à la modification génétique. Les moustiques, selon monsieur Birba, sont toujours au Laboratoire au niveau de Bobo Dioulasso en attendant l’autorisation de l’Agence nationale de biosécurité. La dernière phrase interviendra après conclusion des travaux. Il s’agira de la mise en disposition de la solution aux pays. À entendre sieur Birba, il n’y aura pas de brévetisation pour l’utilisation du moustique génétiquement modifiés mais juste une autorisation après constat des infrastructures qui abriteront le centre. 

Dans sa communication, il a fait savoir qu’il s’agira de réduire le nombre de moustiques qui transmettent le paludisme. Et dans cette recherche, le Burkina a ratifié plusieurs conventions pour une réglementation des travaux avec un engagement des parties prenantes. « Target Malaria est un consortium de chercheurs à but non lucratif avec une approche à long terme», ajouté le chercheur.

Après avoir écouté les communications, les positions des participants sont opposées. Pour Charaf Sao, de WEP Burkina, cet atelier lui a permis d’en savoir plus. «  Mes inquiétudes ont eu des réponses. Je comprends que ces moustiques génétiquement modifiés vont permettre de combattre le paludisme et d’autres maladies virales », explique le participant. 

Ce n’est pas le cas pour Lucien Silga, Coordinateur de l’ONG FIAN Burkina. Pour lui, c’est une science hasardeuse aux résultats incertains. La solution est de privilégier les solutions naturelles qui protègent la santé humaine et environnementale. « Je me soigne par exemple avec l’Artemesia. Pourquoi l’on ne met pas les moyens pour approfondir la recherche dans ce domaine pour développer des médicaments efficaces contre le paludisme ?», s’interroge le membre de la société civile. Il subçonne les bailleurs de fonds derrière ce projet. Pour lui, «le financement de la Fondation Bill et Melinda Gates n’est pas anodin».

Le coordonnateur de FIAN Burkina, Lucien Silga appel à la vigilance quand à ma manipulation Génétique

Cette même préoccupation est partagée par Ali Tapsoba, membre du SPONG et président de l’Association Terre à vie. Selon lui, les OGM dans le domaine alimentaire et environnemental constituent des dangers et leur expérimentation doit être combattue. Le forçage génétique vise à l’éliminer le vivant. Il ajoute que derrière ce projet Target Malaria peut constituer une arme politique car “l’armée américaine y est derrière le financement”. 

Monsieur Tapsoba exhorte plutôt les chercheurs à se pencher sur les biotechnologies naturelles qui ne constituent pas un danger pour l’humanité.

Dans son intervention, il rappelle la position de la société civile. « Nous sommes venus assister à l’atelier d’informations. Cela ne signifie pas que la société civile Burkinabè est favorable aux organismes génétiquement modifiés. Nous sommes opposés à cette manipulation génétique», insiste-t-il.

Ali Tapsoba, du SPONG, est un anti-OGM

Plusieurs autres membres de la société civile dont Patrice Da, de Inades Formations, ont aussi donné leur position. Ils sont anti-OGM et dénonce l’expérimentation des moustiques génétiquement modifiés au Burkina.

Le chargé d’engagement des parties prenantes,  Wilfried Meda rassure que tous les potentiels risques sont analysés dans le cadre de la recherche.  Il nie toute implication de l’armée américaine dans le financement du projet. Autre précision. 

Le sociologue, Meda souligne qu’il n’y a pas de lien entre le moustique Aedes qui transmet la dengue et l’anophèle femelle qui est à la base du paludisme. « Target Malaria travaille sur l’anophèle femelle donc nous ne sommes pas à l’origine de la dengue comme le veut croire une certaine opinion», insiste le chercheur. 

À l’image de lui, Dr Léa Paré a pris part en ligne à l’atelier depuis Bobo Dioulasso. Elle a aussi rassuré les membres de la société civile et dit avoir pris note des différentes préoccupations. 

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