Environnement : le syndicat des environnementalistes de l’État à leur ministre

Madame le ministre, après votre prise de fonction le 09 mars dernier vous avez entamé des concertations avec les différentes composantes du département. Parmi ces concertations vous avez échangé avec les responsables de structures de l’ex ministère de la transition écologique et de l’environnement le lundi 14 mars 2022. Au cours de cette rencontre le syndicat a trouvé en vous une volonté affichée de résoudre les problèmes.

Vous avez déclaré en substance ceci : « j’invite chaque responsable à plus de transparence, d’humilité et surtout se mettre aux côtés des plus démunis ». Des propos que le SYNAEE apprécie dans sa juste valeur.

Madame le ministre, pour faire de cette volonté affichée une réalité, vous devez connaitre les problèmes réels du département. Malheureusement, nous avons constaté que les vrais problèmes qui minent le secteur de l’environnement vous sont volontairement cachés. Parmi ces problèmes, il y a la mise sous tutelle, les humiliations, les tortures morales dont les Environnementalistes font l’objet dans les directions régionales et provinciales.

Tout un livre ne suffirait pas pour expliquer les souffrances et le mauvais traitement réservé à ce personnel civil qui cohabite très douloureusement avec le corps paramilitaire des forestiers. Madame le ministre, les problèmes environnementaux étaient autrefois la lutte contre la coupe abusive du bois, la désertification et le braconnage.

Pour faire face à ces questions de l’époque, le pays dispose depuis les indépendances d’un corps paramilitaire des Eaux et Forêts. Ce corps s’évertue depuis lors à la protection des ressources naturelles sur le territoire national.

Dans l’optique de garantir le droit à un environnement sain au Burkina Faso, et résoudre les questions nouvelles, telles que la gestion des déchets, les changements climatiques, les aménagements paysagers, les pollutions diverses, etc. le gouvernement a opté en 2006 pour la création d’emplois spécifiques civils par décret N0 2006-245/PRES/PM/MFPRE/MEVC/MFB du 07 juin 2006. Ces emplois sont constitués d’Agents Techniques, Techniciens Supérieurs et Inspecteurs de l’Environnement.

Il faut préciser qu’une promotion d’Environnementalistes avait été recruté et intégrée dans les emplois des Eaux et Forêts, chose qui a été combattue sous prétexte que l’emploi de Forestiers et celui d’Environnementalistes sont distincts et qu’il faille un corps spécifique et civil. Madame le ministre, après 14 ans d’existence, le corps des environnementalistes peine à remplir pleinement sa mission.

En effet, la configuration du Ministère en charge de l’environnement a toujours constitué un sérieux problème. Les différents corps sont régis respectivement par les textes suivants :

– la loi 063-2015/CNT du 15 septembre 2015 portant statut autonome du Cadre paramilitaire des Eaux et Forêts, qui stipule que les Eaux et Forêts doivent être rattaché autour d’un chef de corps avec unité de commandement.

– la loi n°081-2015/CNT du 24 novembre 2015 portant statut général de la fonction publique d’Etat qui fait obligation au fonctionnaire, d’exercer les fonctions liées à son emploi.

Le décret 2019-1111 PRES/PM/MINEFID/MFPTPS du 15 novembre 2019 portant Répertoire Interministériel des Métiers de l’Etat (RIME) classe la famille d’emplois des Environnementalistes dans le métier « Eau-Agriculture-Environnement ».

Les attributions et le mode de recrutement des Environnementalistes est clairement défini par le décret 2021-0287/PRES/PM/ MINEFID/MFPTPS du 22 avril 2021 portant statut particulier du métier « eau, agriculture et environnement ».

Malgré l’existence de textes clairs séparant les deux corps de métier, l’organisation du ministère, a toujours été difficile, mettant un frein à la mise en œuvre efficace du statut autonome des Eaux et Forêts et surtout l’employabilité des Environnementalistes pour l’accomplissement de leurs missions. Tout est mis en œuvre pour banaliser la spécificité de la famille d’emplois « Gestion de l’environnement » dans le dessein du mensonge suivant : « nous faisons pratiquement les mêmes tâches, il faut nous unifier ».

Madame le ministre, il est aujourd’hui appliqué un refus catégorique pour la responsabilisation des Environnementalistes dans les postes de direction déconcentrée, sous prétexte qu’ils sont un personnel civil. Sur 13 directeurs régionaux, 45 directeurs provinciaux et 370 services départementaux, aucun cadre environnementaliste n’y a jamais été nommé. Les tentatives de nominations des Environnementalistes ont été combattues non pas par un syndicat des Eaux et Forêts mais par une catégorie de responsables forestiers accrochés à des avantages.

Ce sont les mêmes responsables aujourd’hui qui participent à la désinformation des autorités et orientent le ministère vers des intérêts purement corporatistes. Les environnementalistes sont réduits à la limite à des auxiliaires, dans un département ministériel où leur importance n’est plus à démontrer, pour la simple raison qu’ils sont une composante civile.

Dans les structures déconcentrées du ministère, maintes fois des Environnementalistes sont sommés de quitter lors des réunions touchant aux questions sécuritaires sous prétexte qu’ils ne sont pas paramilitaires malgré qu’ils courent les mêmes risques sur les mêmes lieux de travail. Des Environnementalistes ont été affectées dans des structures du ministère et renvoyés systématiquement par ce qu’on ne veut pas de personnel civil dans ces structures.

Il est clair pour eux, qu’en tant que paramilitaires, ils ne se laisseront pas dirigés par des civils. Ainsi les environnementalistes se retrouvent sur le terrain à être contraints aux formalités de commandement paramilitaire sans être de leur corps et toute observance des règles de la fonction publique civile définies par la loi 081 devient à la limite un « acte d’insubordination ». Il se crée un climat délétère dans de nombreux services entre les environnementalistes et leurs collègues des Eaux et Forêts, mettant à mal l’atteinte des résultats de chaque partie.

Madame le ministre, des solutions ont été proposées mais aucune volonté n’a suivie. En effet, en 2015 sous le régime de la transition face au refus du personnel des Eaux et Forêts de constituer un statut commun avec les Environnementalistes, le ministre de l’époque avait commandité une étude à l’issue de laquelle, il est ressorti clairement qu’il faut organiser le ministère de l’environnement à l’image des autres départements qui abritent des corps paramilitaires et civils à la fois ; chose qui n’a jamais été respectée.

En 2019, il y’a eu des états généraux sur l’organisation du ministère qui n’ont abouti à rien ; sauf des voyages d’étude au frais de l’Etat pour s’inspirer du modèle des autres pays, notamment le Niger et le Mali et dont les résultats bien débattus restent dans des tiroirs. En 2020, le ministère de la fonction publique a engagé un processus de description des postes de travail. Le département en charge de l’environnement a pris part à ce processus qui devrait permettre à chaque agent de faire le travail pour lequel il a été recruté.

Malheureusement, ce sont les mêmes qui ont combattu la mise en œuvre des fiches de postes, tout simplement pour préserver leurs intérêts. Du 23 au 27 août 2021 un atelier de réflexion a été organisé à Koudougou et l’objectif était simplement de faire disparaitre les Environnementalistes en les fusionnant avec les Eaux et Forêts.

Lors de cet atelier, qui a regroupé des experts des ministères de la fonction publique et celui des finances, il est ressorti au grand jour que l’unification tant prôné est une manigance pour absorber les missions vastes et diversifiée des environnementalistes. Les participants de la fonction publique et ceux des finances y ont démontré que cette fameuse unification est quasiment impossible et coûteuse.

Une simulation financière a permis d’estimer le coût de reversement des Environnementalistes dans le corps des Eaux et Forêts à plus de 400 millions par ans, sans compter les frais pour modifier les textes et une éventuelle formation militaire impossible pour certains.

Madame le ministre, la restauration voulue par les nouvelles autorités doit commencer par mettre fin aux humiliations des civils dans les structures déconcentrées du ministère en charge de l’environnement. Chaque compétence doit exercer le travail pour lequel elle a été recrutée. La nouvelle configuration du département offre une opportunité pour mettre fin à cet état de mise sous tutelle, d’embrigadement et d’humiliation dont les travailleurs civils font l’objet dans les structures déconcentrées.

Le travail sur le terrain doit être exercé conformément à la loi et aux attributions de chaque métier. Pour nous environnementalistes de l’Etat, il faut orienter l’organisation du MEEEA vers la recherche de la performance et l’application cohérente et logique des textes. Les paramilitaires forestiers ont un statut autonome et doivent consacrer leur « unité de commandement ». De même, les emplois civils des sous secteurs de l’Eau et de l’Environnement sont dans le même statut particulier et doivent s’attacher à une meilleure mise en œuvre des Polices de l’Eau et de l’Environnement pour le bien de tous.

Madame le ministre, un projet de comité d’élaboration du nouvel organigramme circule sur les réseaux sociaux. Nous avons remarqué avec étonnement que les syndicats ont été mis à l’écart de ce comité. Toutefois, nous estimons que l’organisation du nouveau département doit permettre non seulement aux personnels paramilitaires de mettre en œuvre le statut autonome et un commandement efficace, mais aussi et surtout aux personnels civils d’exercer leurs missions dans la dignité. Tout en regrettant l’emploi de mots « forts », mais assez sincères pour traduire la réalité sur le terrain, je vous prie d’accepter, madame le ministre, l’expression de ma collaboration déférente.

                                                                           LE SECRETAIRE GENERAL DU SYNAEE

                                                                 Abdoulaye BAZIE, Inspecteur de l’environnement