Conservation des semences paysannes : le terrorisme porte un coup dur

Dans une interview accordée au média Info Nature, le secrétaire permanent pour la commission nationale des recherches photogéniques (CONAGREP), Dr Soungalo Soulama, pointe l’insécurité comme une véritable menace de l’avenir de l’agriculture Burkinabè. Cette situation d’insécurité rend difficile la collecte des semences paysannes qui, selon lui, est primordiale pour assoir une agriculture prospère. 

De Emmanuel Gouba

Info Nature : Pouvez-vous vous présenter aux lecteurs ? 

Je suis Dr Soungala Soulama, chercheur en écologie et biologie végétale. Je suis à l’Institut de l’environnement et de la recherche agricoles (INERA) mais aussi responsabilisé comme secrétaire permanent pour la commission nationale des recherches photogéniques (CONAGREP).

Info Nature : Quelles sont les missions de la CONAGREP ?

Alors qui dit ressources phytogénétiques dit semences paysannes, c’est tout ce qui est matériel permettant de fabriquer des semences. Notre mission est d’aider le gouvernement à avoir une bonne stratégie de gestion des ressources phylogénétiques. Il faut dire que la CONAGREP est une structure interministérielle.

C’est vrai que nous sommes encrés au niveau du ministère de la recherche parce qui parle de gêne voit un peu de la recherche, mais, nous travaillons avec le ministère de l’agriculture, pour ce qui est des semences cultivées, avec le ministère des ressources animales pour ce qui est des plantes fourragères avec le ministère de l’environnement pour ce qui est des plantes alimentaires forestières. Bref, elle travaille avec plusieurs ministères et acteurs.

Info Nature : Depuis 2016, le Burkina Faso vit une crise sécuritaire. Quel est l’impact de cette crise sur la collecte des ressources phytogéniques ?

Il faut dire que dans certaines zones, nous avons au niveau de l’INERA des échantillons collectés. Il se trouve que nous sommes à une étape ou nous n’avons pas fini de connaitre toutes les ressources phytogéniques notamment les semences paysannes, ce qui veut dire que le travail de cartographie continu. Aujourd’hui, on ne peut pas faire le point de ce que nous avons perdu à cause de la guerre.

Sans cette situation d’insécurité peut-être que le travail allait continuer dans les zones inaccessibles et peut-être qu’on découvrirait donc, d’autres semences avec des vertus particulières. Avec cette situation tout ce travail s’est arrêté au niveau de ces zones-là. Et qui dit semence dit être vivant parce que la ressource se meurt avec le temps. Elle a une longévité, plus la guerre dure, plus le germe qui est dormant dans la graine va mourir de sorte que nous craignons de perdre ainsi une grande biodiversité végétale due à cette guerre, si toutefois, le travail ne continue pas.

Nous sommes obligés de mettre l’accent sur ce qui a déjà été collecté au niveau de l’INERA pour multiplier, pour éviter que les semences soient perdues dans l’espoir que les zones soient accessibles pour permettre encore de continuer ce travail.

Info Nature : Est-ce que vous avez eu des cas de zones ou vous étiez convaincus qu’il y a de la semence paysanne à découvrir et vous êtes allez trouvés que cette localité s’est vidée de ses populations ?

Ce n’est pas ces situations qui manquent. Nous avons pleines de zones inconnues. Si vous prenez le mil, c’est une semence endémique de nos pays. Il y a un des parents du mil qu’on peut trouver dans la zone de Djibo, mais aujourd’hui, c’est une zone inaccessible. Si notre mil est dérangé et on recherche à rétablir la vraie origine, on est obligé d’aller chez le parent pour recommencer cette sélection.

 Mais, il se trouve que cette zone est inaccessible et cela pose beaucoup de problèmes car si nous perdons ces parents sauvages, la dimension de perte est plus grande que si nous perdons les ressources déjà utilisées. Nous avons ces zones où les chercheurs ont des problèmes de caractérisation et de collecte. Vraiment c’est une situation déplorable qui demande qu’on ait une stratégie appropriée pour pouvoir sauver la situation parce que la guerre peut finir en un moment donnée mais si nous perdons cette biodiversité, nous affectons durablement la résilience de nos communautés. On ne peut pas vivre sans manger.

Info nature : Qu’est-ce qui est fait pour sauver la situation ?

On essaie de collecter à la sauvette parce qu’il faut se dire que les déplacées internes ne se déplacent pas au moment où ils pensent à des semences. Ils arrivent démunis, nous sommes obligés parfois de puiser dans nos collections pour multiplier pour leurs donner les semences qu’ils souhaitent. Mais, on ne peut pas tout avoir parce qu’on était en plein élan de collecte quand tout cela est arrivé. Presque la moitié sinon même plus de nos ressources phytogénétiques sont détenues à travers la communauté.

Surtout que nous sommes en plein dans les changements climatiques où pleines de ces ressources ne sont plus cultivées, elles sont dans les marmites des vieilles parce que le cycle est devenu plus long. Tout cela n’est pas encore bien collecté. Cela fait que si une communauté désire une variété précise pour certaine variété on peut encore se débrouiller parce qu’on avait pour collecter, mais pour d’autres, ce n’est plus possible parce qu’on n’a pas pu collecter les variétés. Mais partout ou on a l’occasion d’y accéder, on ne manque pas de collecter.

Info Nature : Quels sont les avantages de la collecte des semences paysannes ? 

Les semences paysannes font parties des ressources phytogénétiques. Cela veut dire que c’est la matière première qui permet au scientifique qui sont dans le domaine semencier de fabriquer ce qu’on appelle les semences améliorées. Donc si nous voulons faire une amélioration variétale, par exemple une nouvelle variété qui résiste à la sécheresse, on est obligé d’aller dans les matières premières regarder quelles sont les ressources qui présentent les gênes intéressantes pour nous. Et on prend ces ressources ont fait des croisements pour aboutir à ce qu’on est en train de rechercher pour nous adapter aux changements climatiques.

L’érosion était déjà là, mais la guerre est venue amplifier cette érosion. Vous voyez que plus la moitié du territoire est occupé et vous voyez cette zone-là, et avec tout le potentiel qu’il y avait est en train de se perdre au jour le jour. Si on ne fait pas vite, on ne mesure pas toutes les conséquences de ces conséquences, il n’y aura pas de solutions pour demain.

Il y a des semences qu’on croit inutiles aujourd’hui mais que la science de nos enfants, trouveront très utiles parce qu’ils vont trouver des outils plus performants pour détecter dans nos semences des gênes d’intérêts dans cette semence, qui pourront révolutionner leur vie. On n’a pas le droit de les perde au nom des générations futures.

Info Nature : Quelle lecture faites-vous du travail de vos collègues chercheurs dans le monde agricole ?

Il faut dire que la recherche n’est pas très comprise au niveau de la société, c’est vrai qu’il y a parfois des petits comportements indélicats, mais d’une manière générale, il faut féliciter ces chercheurs par ce que sans ça, l’agriculture serait un domaine un peu plus difficile. Mais si vous prenez au niveau des activistes, ils ne comprennent pas cela, ils croient même que les variétés améliorées sont des OGM, ils les opposent mêmes aux semences paysannes.

Alors que si vous allez chez les paysans faire une enquête, ils vont prendre certaine variété et puis, ils vont enregistrer ça comme une semence paysanne. Donc, cela veut dire qu’on se complète. Ce que les chercheurs font pour améliorer, c’est une technique que les chercheurs font, c’est une technique plus avancée que les paysans, sinon c’est ce que les paysans font à basse échelle sur le terrain. On ne peut pas éliminer le travail que les paysans font. Mais ce qui oppose les deux, c’est-là qu’il y a l’erreur. Parce qu’ils y en ont qui pensent, qu’on ne doit pas parler de recherche. Ce sont des visons tronquées dû au travail des activistes qui sont parfois payés pour jouer ce jeu.

Ceux aussi qui pensent que les semences paysannes sont inutiles, ils sont aussi dans l’erreur parce que les deux champs-là se complète. Et la sécurité alimentaire ne saurait être conjugué si on ne tient pas efficacement compte des deux domaines : la semence paysanne promue par les paysans et la semence améliorée que la recherche nationale essaie de promouvoir. Et les deux peuvent se conjuguer pour nous aider à atteindre la sécurité alimentaire.

Info Nature : Quelles sont les principales difficultés de la CONAGREP ?

La principale difficulté est d’ordre financier. Le gouvernement a eu l’initiative mais malheureusement, il n’y a pas assez de moyen pour caractériser, conserver pour valoriser les semences paysannes. Donc nous sommes obligés d’écrire des projets, compter sur les partenaires. Nous sommes encore au stade primaire par rapport au travail qui reste à faire. Aujourd’hui, personne ne sait le potentiel que nous avons mais Dieu seul sait que c’est très énorme. Mais nous n’avons pas la compréhension que si nous perdons ce potentiel, c’est notre avantage comparatif sur l’humanité et qui est en train de disparaître.

Et c’est ce que les gouvernants ne comprennent pas. C’est pourquoi, ils ne se pressent pas d’augmenter le budget et de donner suffisamment les moyens à la CONAGREP, sinon s’ils avaient cette compréhension de savoir qu’en perdant ces ressources, le Burkina perd des avantages comparativement à l’humanité et sa résilience, ils allaient accompagner plus la CONAGREP. Pourtant si on perd nos semences paysannes, nos braves paysans seront obligés d’utilier que de semences améliorées ou des OGM. Et on viendrait soumettre tous nos paysans à un esclavage moderne ou on est obligé d’acheter de la semence à des prix fixés par les fabricants.

Si on veut une agriculture autonome, indépendante avec tout ce qu’il y a comme notre souveraineté, là, on met les moyens pour conserver les semences et être résilients vis-à-vis de l’extérieur ou bien alors on laisse perdre nos semences et en un moment donné on sera enchaîné dans cette mondialisation. Mais, les gens ne comprennent pas ; Et quand on parle de ressources phytogénétiques, les gens voient ça comme quelque chose de secondaire, ce n’est pas une priorité. Alors que rien ne dépasse une telle priorité, parce qu’on ne peut pas rentrer dans l’agriculture sans une semence de choix.

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