Changements climatiques : des communautés dénoncent

Déclaration de la COP des Communautés de la 4ème édition de la caravane (CGLTE-OA) sur « Le changement climatique l’un des défis environnementaux, agricoles et économiques en Afrique ».

Nous, mouvements communautaires et sociaux, représentant.es des 16 plateformes ouest africaines de la Convergence globale des luttes pour la terre, l’eau et les semences paysannes (CGLTE-OA) dans la suite de la mobilisation des 33 pays africains de la Caravane Climat Tambour battant de la COP 27, de l’Alliance des chefs traditionnels et coutumiers, des religieux, des organisations de la société civile, des femmes et des jeunes,

Nous sommes mobilisés à la COP des communautés lors de la 4ème édition de la caravane de la CGLTE-OA sous le thème « Le changement climatique l’un des défis environnementaux, agricoles et économiques en Afrique » pour :

nous faire entendre auprès des autorités locales, nationales, régionales et internationales notamment en prélude de la prochaine COP climat « COP 28 »

montrer notre engagement pour une justice sociale et climatique africaine, basée sur le respect des souverainetés nationales

proposer des solutions adaptées à nos cultures, à nos savoirs et à nos écosystèmes, à l’image de la Charte de Kurukan Fuga élaborée en 1236 pour le vivre ensemble dans la paix, avec une gouvernance participative, équitable où les femmes étaient représentées. Cette charte historique posait déjà les bases des valeurs culturelles de « l’entente, la concorde, l’amour, la liberté, la fraternité, le respect de la Terre » .

Nous constatons que :

Le capitalisme et le néolibéralisme basés sur le colonialisme sont les principales causes du changement climatique. C’est pourquoi l’Afrique qui ne contribue qu’à hauteur de 4 % au total des émissions mondiales de gaz à effet de serre, le pourcentage le plus faible de toutes les régions, à le droit d’appeler à la justice climatique et sociale.

Sans sécurisation et contrôle de nos patrimoines communs : la terre, l’eau et les semences paysannes par et pour les communautés, sans leur participation active dans les prises de décisions et leadership, notamment la participation des femmes et des jeunes, nous ne pouvons pas agir et avoir un développement qui réponde aux enjeux et défis liés au réchauffement climatique, à la souveraineté alimentaire, aux choix économiques, énergétiques et environnementaux, à la paix et à la cohésion sociale… .

Les communautés paysannes africaines qui assurent la souveraineté alimentaire des pays et où les femmes pourvoient à plus de 80% aux besoins nourriciers, ont été amputées de leur capacité à répondre aux impacts du changement climatique, multiplication des vagues de chaleur, des sécheresses, des feux de forêts, des inondations… bouleversant négativement les espaces de vie : terre, eaux, forêts, pâturages et la biodiversité naturelle, cultivée et élevée.

Le coût de l’inaction est exponentiel et de loin supérieur à celui de l’action dans tous les secteurs affectés par les changements climatiques. Les dommages et préjudices restent largement sous-évalués sur le continent. Ils ne ciblent pas les besoins réels des pays de la région et de leurs communautés, freinant alors leur adaptation et leur faisant peser une charge supplémentaire sur leurs budgets déjà tendus. Leur niveau d’endettement devient alors insoutenable.

Le développement socio-économique africain est menacé par la crise climatique : 13,5 millions de personnes dans le Sahel pourraient tomber dans la pauvreté en raison de chocs liés au changement climatique d’ici 2050 si des mesures urgentes d’adaptation au climat ne sont pas prises. Les pays pollueurs ont de plus en plus recours aux prêts pour « aider » les pays d’Afrique de l’Ouest à faire face aux conséquences du changement climatique : entre 2013 et 2019, ceux-ci ont augmenté de 610% (passant de 243 millions de dollars à 1,72 milliard de dollars) contre 79% pour les dons. Ce qui viendra encore alourdir leur soi-disant dette.

Les mécanismes de compensation de pollution, comme les crédits carbones, le greenwashing au nom d’une soi-disant économie verte, marchandisent et sanctifient sans scrupule, nos terres, nos eaux et nos ressources naturelles donnant ainsi l’opportunité aux plus gros pollueurs de la planète, de continuer en toute impunité, de s’accaparer de nos ressources naturelles et de les polluer.

Changeons de comportement à tous les niveaux !

Vu l’urgence d’agir en faveur du climat, Exigeons à nos Chefs d’Etats, gouvernements, institutions régionales et internationales, de :

Soutenir toutes propositions de lois, textes règlementaires et politiques publiques et les mettre en oeuvre avec au cœur les communautés pour la sécurisation de leurs droits collectifs,

Casser le système de l’agriculture mondialisée, en soutenant le cycle vertueux : produire, transformer et consommer local. L’intégration régionale, dans une dynamique collective de terroirs en agroécologie paysanne, est la solution agricole, environnementale , économique et culturelle basée sur l’autonomie, pour une justice sociale, alimentaire et climatique dans le respect des droits humains .

Protéger l’eau, notre bien commun en :

Sauvegardant nos fleuves, nos cours et points d’eau, cordon ombilical entre nos pays, en interdisant leur pollution et destruction notamment avec les dragages et tous projets gigantesques, souvent inutiles et destructeurs

Préservant nos bassins versants et en priorité les forêts naturelles, en stoppant la déforestation et les reboisements d’essences exotiques et de rentes industrielles qui tuent les sols et la biodiversité tout en excluant les communautés.

En rejetant les produits chimiques tant dans les textes législatifs que dans nos systèmes agricoles, ou que dans les activités minières qui polluent irréversiblement nos sols, nos nappes phréatiques menaçant alors la potabilité de l’eau, et notre santé .

Enclencher une transition énergétique vertueuse basée sur une utilisation réellement durable notamment énergies autonomes, économes, renouvelables et circulaires …sans greenwashing, sans énergie fossile et sans nucléaire

Assurer une représentation équitable et un engagement significatif des femmes et des jeunes, y compris les jeunes filles, dans leur diversité, à tous les processus liés au changement climatique, notamment la gouvernance foncière à toutes les échelles, en créant notamment un comité inclusif région par région, pour évaluer et soutenir les alternatives comme l’agroécologie paysanne, l’économie solidaire et circulaire,

D’appliquer le consentement libre et éclairé prôné par l’ONU avant d’approuver tout projet lié à la terre, l’eau, les ressources naturelles y compris extractives dans le cadre notamment d’une évaluation approfondie de l’impact environnemental, social et économique avec une perspective de genre

Dénoncer sérieusement l’article 6 de l’Accord de Paris dont les approches profitent d’abord aux financiers et aux privés et contribuent à renforcer la marchandisation des ressources naturelles dont l’accaparement des terres, des eaux, des forêts, au détriment des communautés et des nations.

Le climat est l’affaire de toutes et tous !

Cette Déclaration de la COP des communautés de la CGLTE-OA est intrinsèquement liée à la Déclaration solennelle de l’Alliance des chefs traditionnels et coutumiers de l’Afrique de l’Ouest et du Centre et des religieux, élaborée lors de leur rencontre du 13 et 14 novembre dans le cadre de la caravane.

Droits à la terre, à l’eau, aux semences et à l’agroécologie paysanne : une lutte commune !

 Fait à Bamako le 15 novembre 2023