Production agricole dans la Sissili: une association de femmes déplacées internes et de populations hôtes cultive l’espoir

L’association « Wend Kuuni », basée à Léo dans le Centre Ouest du Burkina Faso est un exemple de solidarité agissante. Créée en 2020, elle regroupe des femmes issues de la population hôte et des femmes en situation de déplacée interne (PDI) pour surmonter les défis quotidiens. Elles aident les producteurs locaux en échange d’une rémunération, ce qui leur permet de subvenir à leurs besoins tout en soutenant l’agriculture locale. À la date du 28 février 2023, la province enregistrait 17 168 PDI du fait de l’insécurité, selon les chiffres du Conseil national de secours d’urgence et de la réhabilitation ( CONASUR). Le 5 août 2024, une équipe d’Info Nature a suivi les membres de l’association. Reportage !

De Emmanuel Gouba

Alors que le soleil est encore en bas du ciel, les membres de l’association Wend-kuuni quittent leurs foyers et convergent tous au secteur 3, dans la cour de la présidente. Pour cette journée du lundi 05 août 2024, jour de commémoration de la fête de l’indépendance, les habitudes n’ont pas changé. Pas de repos. L’équipe présente, le convoi peut alors démarrer. Deux jeunes hommes, chacun au volant d’un tricycle, ont la lourde charge de conduire ces femmes à destination. Près de quarante dames se répartissent les deux tricycles. Le convoi traverse toute la ville de Léo, pour Dabiou,  à environs 5 km, pour des activités de sarclage. Pas plus d’une demi-heure de route dans les hameaux de culture, le convoi stationne, les femmes descendent des tricycles. Elles sont à destination. L’ordre du jour est clair : sarcler le champ de Paul Tiendrébeogo, d’une superficie équivalent à  deux terrains de football.

Association Wend kuni, une complicité entre PDI et populations hôtes

Pas de temps à perdre, elles se mettent toutes à la tâche. Des causeries et des rires s’invitent. « Lorsque nous travaillons en groupe, nous bavardons et c’est intéressant », lance Zarata Porgo. Puis à Assèta Ouédraogo d’ajouter, « Quand, je suis au champ avec les femmes, je ne sens pas la pénibilité du travail. Je ressens plutôt la vie reprendre son cours, et un allégement de mes peines».

A voir les femmes travailler, difficile de savoir qu’elles sont issues d’origines diverses, notamment Léo et ses environs, Dori, Arbinda, Foubé, Djibo. L’harmonie est parfaite. Le sarclage avance. Très vite, le champ est nettoyé. Satisfait, le propriétaire du champ, Paul Tiendrébeogo, ne cache pas sa joie. « Elles cultivent soigneusement et comme elles sont nombreuses, le travail avance vite », s’exclame le septuagénaire.

” Je souhaite que ces femmes continuent toujours dans cette union, elles sortiront sans doute de la pauvreté” a affirmé Paul Kiendrebeogo, propriétaire du champ.

A la question de savoir comment il a connu cette association, il répond : si vous faites du bon boulot, les gens parleront de vous, et l’information sera répandue partout. Le producteur témoigne son admiration pour cette association qui est une fusion entre PDI et population d’accueil. « C’est petit-à petit, que ces femmes qui ont fui leur village vont retrouver leur autonomie et du sourire » a-t-il conseillé. Son souhait est que toutes les femmes déplacées internes emboitent le pas au lieu de se résoudre à quémander.

Association Wenkouni, une passerelle pour l’autonomisation des femmes

La responsable de l’association, Mamounata Ouédraogo, est aussi à la manœuvre. Petit voile sur la tête, daba à l’épaule, elle explique que face à l’arrivée des PDI dans la ville de Léo, cette association a vu le jour pour offrir des activités rémunératrices. « Ici à Léo, c’est l’agriculture qui marche. Nous nous sommes dit, que nous pouvons aider les producteurs à sarcler, semer, et récolter. A travers cela, on peut gagner ne serait-ce que la popote, au lieu de quémander », a-t- elle déclarée. Mme Ouédraogo souligne que toutes les femmes de Léo peuvent adhérer à l’association, qu’elle soit autochtone ou PDI. « L’idée, c’est de nous unir pour lutter », a-t-elle clarifiée.

Ouédraogo Mamounata, présidente de l’association Wendy Kuuni de Léo souhaite que la paix revienne partout au Burkina Faso.

Une activité peu rentable mais salvatrice

Aux dires de la présidente, lorsqu’elle signe un contrat, la cagnotte est partagée de manière égale. « Si nous avons un champ à labourer, nous demandons au propriétaire de payer chaque femme à hauteur de 1000/ jour. « Ce n’est pas assez, mais cela peut aider ne serait-ce que pour la popote. C’est mieux que zéro », a-t-elle souligné. Nonobstant, la présidente relève l’espoir s’amenuise lorsque les travaux champêtres s’arrêtent. « Plus rien à faire », regrette la quadragénaire. Son souhait est que des personnes de bonne volonté leur viennent en aide avec un site et un forage, afin qu’elles puissent mener l’agriculture de contre saison. A défaut, elle souhaite recevoir des formations pour être active pendant la saison sèche. Témoignage Porgo Zarata.

Lire aussi: https://infonature.net/campagne-humide-2022-2023-lagriculture-donne-du-sourire-a-des-personnes-deplacees-internes-a-koubri/

Un accueil chaleureux à Léo

Avoisinant la soixantaine, Awa Ouédraogo, d’Arbinda dans le Soum et membre de l’association depuis deux ans souligne la résilience et la solidarité existante entre les membres de l’association notamment les PDI et la population d’accueil. Elle dit être venue à Léo pour sauver sa peau, après que des groupes terroristes soient venus déguerpir son village en 2017. « Nous avons rejoint Kaya, puis Ouagadougou. C’est ainsi que l’un de mes beau-fils, résidant à Léo, nous a invité à venir pour plus de sécurité, et dans l’espoir de poursuivre nos travaux agricoles » s’est-elle expliquée. «  C’est sans hésitation que nous avons obtempéré », a-t-elle dit, hochant la tête. « Depuis que nous sommes là, ça va », proclame la mère Awa. Elle rajoute que ce sont les femmes du secteur N°3 qui lui ont invitées à intégrer l’association Wend Kuuni. Elle a en outre, laissé entendre que, l’association la soulage beaucoup en lui permettant, de renouer avec la terre et d’avoir un peu de revenue. Sa prière est de vite regagner son village. Mais, en attendant, elle travaille avec l’association dans l’espoir de trouver de lendemains meilleurs.

Lire aussi : https://infonature.net/resilience-des-pdi-la-troupe-namore-de-loagha-refuse-de-mourir/