Entrepreneuriat agricole : Laurent Zombré, l’homme qui a déposé la craie pour la daba

Dans l’optique de recueillir des informations sur la pratique agricole au Burkina Faso, Infonature.net a ouvert ses colonnes à Laurent Zombré, interprète traducteur de formation, mais qui aujourd’hui a abandonné l’enseignement pour l’agriculture. Il confie les raisons et les avantages de son choix.

Par Noé Bassolé

Entre Laurent Zombré et l’agriculture, c’est une histoire d’amour. Il s’est parfois éloigné de l’agriculture mais jamais, il n’a laissé tomber ce métier. Titulaire d’un master en traduction, Laurent Zombré a d’abord exercé comme enseignant vacataire, puis il créé son centre de traduction. Mais tout cela n’a pas ôté en lui sa passion pour l’agriculture.

De l’enseignement à l’agriculture, qu’est-ce qui a pu bien motiver le choix de Monsieur Zonbré ? Il répond : « Je ne me suis jamais senti autant bien que dans l’agriculture ». Il poursuit qu’il a été directeur du Centre américain de langue de Dédougou et est aussi promoteur d’un Centre d’interprétation et traduction, mais il dit avoir trouvé l’épanouissement véritable dans l’agriculture. En effet, il explique que contrairement à ce que les gens pensent, il ne se sentait pas au bureau. « Je travaillais pour avoir les fonds pour commencer l’agriculture. Etant né d’une famille assez modeste, financièrement parlant, c’est la raison pour laquelle, je suis passé par l’enseignement, je continue de faire la traduction », a-t-il mentionné.

Laurent Zombré explique que même quand il exerçait dans l’enseignement, il pratiquait l’agriculture dans sa cour. Et par la suite, il a constaté qu’il n’arrivait pas à épuiser ses stocks. Ce qui lui a emmené à se poser la question de savoir « pourquoi ne pas aller vers l’agriculture professionnelle ». Et c’est en 2019 qu’il finit par faire de l’agriculture sa profession. Aujourd’hui détenteur d’une entreprise agricole dénommé Edward’s and Siblings’ Company.

Laurent Zombré récolte déjà les fruits de son choix

En moins de trois années dans l’agriculture , Laurent Zombré ne regrette pas son choix d’avoir abandonné l’enseignement pour la production agricole. « Je ne vais pas mentir, mais pour un fonctionnaire qui a 200 cent mille F CFA comme salaire, il lui faudrait 5 ans pour avoir ce que j’ai eu en trois ou quatre mois de production pendant la campagne agricole 2019-2020 » a-t-il confié.

Néanmoins, il se souvient de la première année de production où il dit avoir perdu par manque d’expérience. Il raconte qu’il a assez produit au point où il n’est pas parvenu à écouler le fruit de ses travaux champêtres. La leçon qu’il retient de cela est qu’en « entreprenariat il ne faut pas être gourmand ». Il poursuit que pour la deuxième année consécutive il a eu plus de bénéfice.

Pour l’année en cours, il attend faire de bonnes récoltes mais déjà, il se réjouit des résultats engrangés au cours de la saison sèche. « La production est bonne, nous avons eu 50 tonnes d’oignons pendant la saison sèche. Nous sommes actuellement en train de produire près de deux hectares sans compter les autres légumes que sont la tomate, les concombres, les courgettes qui sont consommés aujourd’hui comme de petits pains ».

L’agriculture une alternative pour lutter contre le chômage

Pour le producteur Zombré l’agriculture est le moyen par excellence pour le Burkina d’atteindre l’autosuffisance alimentaire. « Je ne vois pas un autre moyen plus pratique et plus facile pour nos pays d’arriver à l’autosuffisance, d’arriver au développement qu’à travers agriculture » a-t-il déclaré. Une conviction qui le galvanise dans sa fonction.

Égrenant les bienfaits de l’agriculture, il avoue que c’est un métier qui nourrit son homme (l’entrepreneur), ses employés, sa société et même l’environnement. « Si je prends par exemple les États-Unis d’Amérique, ils n’ont qu’une minorité d’agriculteurs qui nourrissent des centaines de millions d’habitants et le reste ils nous envoient comme don » a-t-il affirmé.

Un exemple qui convainc le producteur Zombré à dire : « Si l’agriculture est professionnalisée, on peut combattre la pauvreté et la famine dans notre pays ». Et pour y arriver il « suffit d’une volonté, et cette volonté viendra des gens plus éclairées ».

Pour lui, il n’est concevable qu’avec environ 80% d’agriculteurs, le Burkina ne soit pas au stade de la sécurité alimentaire. De ce fait, il affirme que les pratiques doivent changer. « Il faut une agriculture plus éclairée plutôt qu’une agriculture rudimentaire comme le font nos parents aujourd’hui ». Comme alternative, il suggère que ceux qui sont allés à l’école ne se contentent pas seulement des bureaux mais qu’ils se penchent également sur la terre.

La mévente, l’une des bêtes noires de l’agriculture

La première difficulté que le producteur Zombré rencontre est celle de l’écoulement. Une difficulté qui s’est vue accentuée avec la Covid-19. « Nous avons eu des difficultés à écouler nos récoltes ce qui a causé la chute en terme de rendement et on a perdu des produits » a affirmé Monsieur Zombré.

Le producteur Zombré relève que l’autre problème est que les gens ne croient pas à l’agriculture. Une situation qui n’arrange pas les producteurs car il est difficile de trouver la main d’œuvre. « Quand tu dis à quelqu’un de venir travailler comme employé agricole, il pense qu’il a perdu son temps, ou bien, il pense qu’il est en train de travailler pour toi », a mentionné Monsieur Zombré. Pour preuve, il affirme avoir perdu en juin dernier cinq employés.

Comme autre difficulté, l’agriculteur note les problèmes financiers. « On veut bien développer l’agriculture, mais on sait que cela nécessite des fonds, que ce soit pour la modernisation, les techniques agricoles. Cela demande des fonds » a-t-il signifié.

L’agriculture, un terrain fertile pour entreprendre

On peut investir dans l’agriculture pour peu qu’on ait de l’amour pour la terre et que l’on prenne le soin de bien s’informer. Pour lui, il ne faut pas investir parce que tout le monde investit dans l’agriculture. « Il faut d’abord penser à ce que l’on veut, avoir les moyens qu’il faut afin de se lancer », a-t-conseillé. Il ajoute qu’on n’a pas besoin de trop gros moyens pour y arriver. Il affirme à ce titre qu’il y a des gens qui ont misé des millions dans l’agriculture et ont échoué.

Pour ceux qui veulent se lancer dans l’entreprenariat agricole, le producteur Zombré conseille de croire à leur passion et aimer l’agriculture. « Il faut aimer et dès qu’on aime quelles que soient les difficultés qu’on subit on continue d’avancer ».

Laurent Zombré agriculture Mouhoun
Laurent Zombré veut mettre en valeur un grand espace de terre avec des techniques agricoles nouvelles.

Il invite aussi les jeunes agriculteurs à ne pas hésiter à se former et à s’informer par le biais des techniques de l’information et de la communication. « Aujourd’hui, les médias nous permettent d’exercer dans l’agriculture facilement. Sur Internet, les gens sont généreux, ils partagent leurs expériences ». Monsieur Zombré conseille également aux jeunes agriculteurs de se tourner vers les personnes expérimentées pour bénéficier de leurs expériences.

Laurent Zombré , un défenseur de l’agriculture bio

Pour le producteur Zombré, il faut produire tout en pensant à la santé du consommateur et des générations futures. C’est ainsi qu’il préconise l’agriculture bio pour une alimentation saine. C’est-à-dire une agriculture sans produit génétiquement modifié et les pesticides nuisibles à l’environnement.

Dans cette même vision, le producteur affirme que dans son entreprise, toutes les actions sont tournées vers l’agriculture bio. Une entreprise qui œuvre dans la culture céréalière, semencière, maraîchère et la production fruitière. Au-delà de cela, dit-il, son entreprise est dans la distribution des intrants bio et de tout ce qui est intrant lié à l’élevage. Il ambitionne dans un futur proche aller vers la transformation de tout ce qui est agriculture et élevage.

Pour le moment, l’agriculteur utilise des outils « archaïques » pour ces travaux agricoles, c’est-à-dire la daba mais, il compte bientôt passer à l’agriculture mécanisée. Il explique que pour le moment, il a loué la terre pour ses travaux. Lorsqu’il voulait commencer l’agriculture en 2019, dit-il, il n’avait pas les moyens nécessaires pour se procurer un lopin de terre, surtout dans la Boucle du Mouhoun, où tout le monde aspire avoir un terrain au bord du fleuve, c’est pourquoi, il a opté pour louer la terre en attendant d’acheter la terre.

Laurent Zombré affirme avoir acquis récemment un terrain de 10 hectares pour son activité agricole. Avec cet nouvel espace, il compte mettre en pratique les nouvelles techniques agricoles avec le dispositif technique qu’il faut.

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