Campagne humide 2022-2023 : l’agriculture donne du sourire à des personnes déplacées internes à Koubri

Fuyant les violences des terroristes, des populations du village de Namsiguia dans le Bam ont élu domicile ont élu domicile dans le Kadiogo, précisément à Vossin dans la commune rurale de Koubri. Environ 300, ces personnes sont actives dans la commune. Des activités, agricoles aux petits métiers PDI avec le soutien des populations hôtes. Info Nature a fait un zoom sur les activités de ces PDI majoritairement agricoles. Reportage !

De Emmanuel Gouba

Résilient face à la pression Moussa Confé, natif de Namsiguia a fini par fuir les pressions des groupes armés terroristes pour trouver refuge à Vossin hameaux de culture de la commune rurale de Koubri dans le Kadiogo. Dans ce village, peu de ronronnements de motos se font entendre. Les habitations sont construites en banco mais parsemée de quelques habitations faites en pepins.

Ce vendredi 8 octobre 2022, le sexagénaire s’est levé de bonne heure comme d’habitude. Sous l’ombre de cet arbre, Moussa Confé installe son matériel de mécanique. Il s’agit de quelques clés, de pneus neuves et quelques chaînes de vélos emballés dans de petits cartons. « Je suis agriculteur mais j’ai appris aussi un peu la mécanique », a lancé le vielle homme en installant son matériel sur sa petite table. Pendant cette saison, la vie de l’homme est partagée entre ses travaux champêtres et la réparation de vélos et de pannes légères de motos. Les populations de Vossin n’hésitent pas à confier la réparation de leurs engins à Moussa Confé.

Mais qu’est-ce qui a amené ce dernier à trouver refuge à Koubri ? Voici la question qui trouble l’esprit du vielle homme et pour répondre, il lui faut assez d’effort. « Tout ce que Dieu fait est bon », soupire le vieux Confé avec un regard perdu. Natif de Namsiguia, l’homme dit avoir vécu une expérience de la guerre avant le terrorisme au Burkina. Il raconte qu’il a effectué une aventure dans les années 90 en Côte d’Ivoire. « Tout allait bien » dit-il jusqu’à ce que la guerre éclate dans les années 2000 (ndlr : suite à des conflits fonciers des ivoiriens ont opposés de violents incidents à des Burkinabè résidents en Côte d’Ivoire). Des violences qui lui ont contraint à regagner son pays natal précisément le village de Namsiguia.

” Dans mon champ j’oublie toutes ses tragédies que nos avons subi à Namsiguia” Moussa Confé.

Après cette mésaventure, il se lance dans le commerce. Et là aussi, martèle-t-il tout allait bien jusqu’à ce que les terroristes commencent à faire une incursion dans le village. Il explique qu’il savait également faire la mécanique et en plus, il s’adonnait à l’agriculture et à l’élevage. « Walaye, à Namsiguia, tout allait bien pour moi ».

Le départ forcé

Confé confie qu’il y a trois ans de cela qu’il a quitté son village natal et se voit dans une situation de SDS (sans domicile fixe). Il n’est pas seul dans une situation. L’homme confie qu’ils ont été des milliers à vider le village de Namsiguia en 2019. En quittant, leurs hameaux de cultures, ils ont élu domicile à Bourzanga, une commune de la province du Bam. Un endroit où ils pensaient être en sécurité. Hélas, dit-il, les terroristes ont fini par attaquer Bourzanga. Fuyant à nouveau ces exactions Confé et ses camarades de Namsiguia vont finir par se retrouver à Kongoussi. « C’est de Kongoussi que nous avons entendu parler de la Koubri, et nous (une centaine de personnes avons décider de venir prêter hospitalité », explique le mécanicien-agriculteur.

« Ici à Koubri, nous gagnons tout avec les populations » Moussa Confé

Moussa Confé n’est pas le seul à fuir les exactions des terroristes pour se retrouver à Koubri. Mais, il est l’un des premiers de la zone de Namsiguia à venir à Koubri. Il a connu Koubri grâce à un ressortissant de son village qui est venu travailler dans une ferme ici avant les évènements. Donc, quand les évènements ont commencé, il a eu le réflexe de venir à Koubri. « C’est ainsi que nous sommes arrivées. Nous sommes venus d’abord en petit nombre, puis les autres nous ont rejoint aussi », a-t-il expliqué.

Le vélo de Moussa, son seul bien qu’il a pu transporter de Namsiguia

Pour lui, l’hospitalité des populations de Koubri en particulier celles de Vossin est salutaire. « Ils nous ont tout donner, des logements, du matériel de couchage, de la nourriture même des questions de santé », a-til dit. Et de poursuivre « vous savez que lorsqu’on était en train de fuir les balles assassines, on ne pouvait pas apporter nos biens. Moi par exemple, je suis venu avec mon vélo seulement ». Il ajoute que dès son arrivée, le chef lui a offert des habits. « Le pantalon que j’ai porté est un don du chef », a-t-il révélé.

Ces dons qui tiennent à cœur

Des dons en nature et en espèces, ces PDI disent avoir eu de la part des populations de Vossin Parmi lesquels : le don des surfaces arables. Moussa Confé explique que plusieurs sites ont été octroyés au PDI. L’un des sites est à quelque kilomètres du QG des PDI. Du haricot à perte de vu, du maïs, du sorgho, du petit mil, c’est entre autres ce qu’on peut observer dans le champ des PDI. Sauf que le maïs n’a pas une bonne physionomie, car ses tiges portent de petits épis et ont la couleur jaunâtre. « En effet, nous manquions de l’engrais, et ce que vous voyez, ce sont le service d’agriculture de Koubri qui nous a offert 6 sacs d’engrais », a-déclaré Moussa Confé.

Un champ de maïs des PDI

Autre difficulté rencontrée par les PDI, ce sont l’effet des oiseaux ravageurs dans leurs champs. Dans la parcelle du petit mil, aucun grain n’est visible sur les épis des tiges pourtant en maturation. « Quand nous sommes arrivés, les autochtones nous ont dit que le petit mil ne marche pas ici mais comme c’est l’une de nos spéculations préférées nous nous sommes entêtés à ablaver ne serait-ce qu’une petite partie. Et voilà, le résultat, tous les oiseaux ont picoré tout. Tout compte fait, « la moisson sera bonne », a lancé Monsieur Confé. Et d’ajouter qu’ils ont déjà récolter une dizaine de tines d’haricot.

Sur ce site situé dans le village de Wedbila, ce sont sept hectares qui ont été donné aux PDI pour leurs travaux champêtres.

Ces terres valent de l’or pour ces PDI. C’est ce qui nous dit Moussa Somtoré, déplacé interne et bénéficiaire d’une portion des sept hectares de terrain. L’homme a trois femmes et 10 enfants. Natif également de Namsiguia, il est arrivé à Koubri au début du jeune musulman. Alors qu’il était en pleine récolte de son haricot, il se rappelle toujours de ses péripéties que lui et sa famille ont vécu avant d’y arriver. Daba en main, il affirme que grâce aux activités agricoles qu’ils mènent, il ressent moins la douleur de ses évènements tragiques. Sauf les derniers évènements ( ndlr : le coup d’Etat du 30 septembre 2022) qui lui ont donner des frissons et des insomnies. « Quand j’ai entendu les coups de fusils, j’ai fait plus de trois jours sans dormir car cela m’a rappelé notre vie à Namsiguia », raconte le vielle homme qui a son fils toujours porté disparu. Mais dit-il, « ça ne me ronge plus trop le cœur car lorsque j’arrive dans mon champ et que je vois mes semis, cela réjouit mon cœur et j’ai moins de pensées ».

Même coup de cloche pour Arouna Confé, aussi natif de Namsiguia. Lui a perdu sa fille lors de leurs déplacements de Namssiguia à Bourzanga. « Lorsque nous étions en train de fuir, ma fille et quelques membres de ma famille était dans une charrette avec nos effets. Malheureusement, ils ont sauté sur une mine artisanale. Nous avons retrouvé son corps en morceau ». Pour lui, sans ses travaux agricoles, il lui serait impossible de ne pas perdre la mémoire car c’est difficile à supporter. « Imaginez si je m’asseyais à longueur de journée sans rien faire, même si on me donnait à manger et à boire, je ne pourrais pas supporter tous ces souvenirs douloureux. « Mais grâce au travail, je suis soulagé », a-t-il lancé le visage baissé.

Il renouvelle ses remerciements à ceux qui leur ont donné la terre. « Vraiment, je suis soulagé lorsque je vois mon champ, cela me rappelle Namsiguia et cela me donne espoir que nous allons y retourner un jour », a-t-il insisté.

Le cri de cœur du chef

Les PDI dans leurs propos ne cessent de témoigner leurs reconnaissances au chef du village. Mais pour l’un des donateurs à savoir, le chef de Vossin, l’hospitalité est l’autre nom des Burkinabè. « Quand ma population ont appris l’arrivée des PDI, elles leur ont donné des habits, du matériel de couchage, des logements, de la nourriture… ». En plus de cela, certains ont accepté de céder une partie de leurs terres pour ces déplacées internes afin qu’il puisse mener leurs activités agricoles.

A l’endroit des autorités communales de Koubri, le chef leurs demandent de privilégié leurs les vivres de la SONAGES aux personnes déplacées internes. « C’est vrai que les villageois font de leurs mieux pour les soutenir mais ça demeure insuffisant », a-t-il déclaré.

Le chef a également déclaré que depuis l’arrivée de ses déplacés, ils n’ont reçu aucun soutien de la part de l’Etat. Une information que confirme Moussa Confé, responsable des PDI de Vossin. « Quand on était dans les autres sites, l’Etat nous donnait des vivres mais depuis que nous sommes à Koubri on n’a rien reçu de la part de l’Etat », a déclaré Moussa Confé.

« L’Etat veut que les PDI ne restent pas dans la région du Centre », SG de la mairie de Koubri

A en croire le Secrétaire général de la Mairie de Koubri, sa commune enregistre des personnes déplacées internes depuis la commune rurale de Koubri a accueilli depuis 3 ans des Personnes déplacées internes depuis 2020. « Ils sont dans des villages comme Vossin, Tansabologo et le Centre… », indique-t-il. Il ajoute que lorsque les déplacées internes arrivent, la mairie à travers son service de l’action social les enregistre puis rend compte.

Sur la question de savoir ce que la mairie fait en soutien aux personnes déplacées internes, il rappelle, que les autorités ne veulent pas que l’on parle de personnes déplacées internes dans la région du Centre. Néanmoins dit-il : la mairie tente quand bien que mal à venir en aide ces personnes. « Avec l’appui de certains partenaires, nous arrivons à nous donner quelques fois des vivres et du matériel de couchage à certains. Par exemples il y a les vivres de la SONAGES qui sont dédiés aux personnes vulnérables, donc ils sont privilégiés à ce niveau», expliqué le SG. Mais, il note que ce soutien demeure dérisoire au regard du nombre. Toutefois, le SG note que les PDI sont bien intégrés à Koubri et participent au développement de l’économie.

Sur cette déclaration, ce n’est pas Moumouni Tapsobaba qui dira le contraire. Lui, est agriculteur et responsable d’une ferme agricole. Pour cette saison, il a emblavé 13 hectares de maïs. Pour ce faire, il a demandé le secours d’une vingtaine de PDI moyennant une rémunération. Il dit être très satisfait de la récolte et remercie par ailleurs les déplacés internes pour leur abnégation au travail.

Confé Mariata, est l’une de ses femmes qui travaillent avec Moumouni. Elle salut la sincérité de la collaboration. « Avec ses travaux, même si c’est partiel nous parvenons à joindre les deux bouts car on arrive à gagner de l’argent en attendant les récoltes de nos propres champs », a-t-elle déclaré.

L’une des cours des PDI à Koubri

Pour Confé Mariata tout comme, Moussa Somtoré et Moussa Confé, ils n’ont pas reçu l’information disant que les personnes déplacées internes ne sont pas considérées comme personnes déplacés une fois dans la région du Centre. Toutefois, ils disent vaguer à leur activité agricole en attendant le soutien de l’Etat ou d’un retour de la paix à Namsiguia afin de reprendre leurs vies agricoles.

Un besoin d’eau pour l’agriculture de contresaison

Non loin, des concessions des personnes déplacées ou du moins dans leur village d’accueil, se trouve une portion du barrage de Koubri. L’un des grands barrages. Mais aujourd’hui, raconte le chef de Vossin, le barrage ne retient plus assez d’eau et tarit rapidement. Pour lui, cette réduction des eaux du barrage se voit croissant d’année en année et serait un véritable handicap: sans l’eau, on ne peut pas pratiquer le maraîchage. Et de renchérir que sans travail, les populations n’auront pas d’argent. Chose qui va sans doute réduire les revenus des populations Vossin en majorité agricole. ” Et si les populations hôtes même n’ont pas d’argent comment vont-ils faire pour s’occuper des personnes déplacées internes” a-t-il expliqué. Il demande donc un curage du barrage de Koubri pour une reprise normal des activités.

Du côté des PDI, les mêmes souhaits sont évoqués. ” Si on a l’eau, c’est sûr que nous pourrions augmenter nos gains et dépendre moins de l’aide des gens. Mais, hélas, nos populations hôtes même se cherchent ” a expliqué Moussa Confé, responsable des PDI de Vossin.
Selon le SG de la mairie de Koubri, ses souhaits sont fondés. Mais, il relève que ce besoin dépasse les compétences de la Mairie. Il note d’ailleurs que la commune de Koubri regorge 6 barrages et des retenues d’eau 42 retenues d’eau. ” Tous sont quasiment ensablées” dit-il. Il affirme que la mairie et ses partenaires travaille à résoudre cette question mais “c’est assez difficile”.

Tout compte fait les personnes déplacées internes de Vossin, multiplies les initiatives pour subvenir à leur besoin en plus de l’aide que leurs offres les populations d’accueil.

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