Agroécologie au Burkina : Abdoul Razack Belemgnegré, l’exemple d’une transition de juriste à paysan agroécologiste

Abdoul Razack Belemgnegré est le directeur général de la ferme-école Béo-neeré agroécologie de l’Association Béo-neeré. Juriste de formation, il a opté pour l’agriculture. Une vie pleine d’enseignement pour la jeunesse.

Par Frank Pougbila

Le samedi 13 juin 2021, alors que le soleil se prépare à s’éclairer pour les Ouagalais (Burkina Faso), nous prenons un stylo, un calepin, un dictaphone et un téléphone. Raisons ? un car nous attend pour une destination inconnue. Le ciel est contre nous ? il décide autrement. Dès 6 heures, ses vannes s’ouvrent. Une pluie s’abat sur la capitale Ouagadougou

Pourrons nous aller finalement à ce rendre-vous ? La question qui taraude le cervelet. Il est 8 heures, heure prévue pour le départ. L’eau descend toujours du ciel.

Entre découragement de ne pouvoir aller à cette sortie de visite et joie de voir la pluie mouillée le sol pour les agriculteurs, un « conflit » s’opère dans la tête. Que faire ? La décision est prise. Nous partons sous la pluie.

Comme si le ciel nous écoutait, la pluie cessera en route. Nous sommes dejà à Kossodo (Ouagadougou) dans l’arrondissement de Nongr-massoum. Il nous reste quatre kilomètres à parcourir. « La ferme est à quelques kilomètres de là », chuchote notre voisin du jour. La route dégradée par les eaux de pluie rendra le trajet encore long.

« Association Béo-neeré agroécologie, Ferme école et de Production agricole… », c’est le message qui frappe à l’œil dès notre arrivée. Nous sommes à Roumtenga, hors de Ouagadougou. Un endroit où la nature est généreuse.

Les arbres sont « habillés » en vert. Les oiseaux se réjouissent du beau temps. Le bruit des engins de la capitale fait place au bruit des oiseaux. « Soyez les bienvenus », nous accueille un homme, habillé en maillot noir.

Paysan africain

Des salutations se font et la présentation aussi. Notre interlocuteur est Abdoul Razack Belemgnegré. « Je suis le directeur général de la ferme école et de Production agroécologie », poursuit-il. Etonnement total. Un jeune agriculteur ? Et pourtant oui.

En effet, l’agriculture, autrefois était vue comme « un métier des jeunes ayant échoué ». Mais, elle devient de plus en plus prisée par la jeunesse africaine. Des exemples, l’on en trouve. Abdoul Razack Bélemgnegré en fait partie de ces jeunes qui ont fait de l’agriculture leur passion.

« Après mes études en droit, j’ai choisi d’être paysan agroécologiste. On m’appelle paysan africain », ajoute M. Belemgnegré, avec sourire aux lèvres. La fierté d’être agriculteur se lit à travers ses mimiques.

L’agroécologie est un mode de vie, un savoir-faire, un ensemble de pratique tiré des lois de la nature combinées aux connaissances locales et scientifiques.

C’est la définition que le paysan agroécologiste donne. Cette pratique agricole prend en compte plusieurs aspects comme les associations de culture, les fertilisant du sol, la protection de l’environnement.

Sa ferme est repartie en trois compartiments. Une zone pour l’élevage, l’autres pour les habitations et le troisième pour la production agricole. Du compost déposé sous un arbre, de loin ce sont des bœufs qui sont dans leurs enclos.

A environs 200 ans, un château d’eau est implanté afin de procurer de l’eau. « L’insuffisance et des sols sont les vrais problèmes de l’agriculture », confie le directeur général.

De 250 m2 à des centaines d’hectares

Mais, sa philosophie reste que « tout commence petit ». Pour preuve, il avait débuté avec un espace de 250 m2 et de nos jours, il est dans « des centaines d’hectares aménagés à Ouahigouya, Fada, Koupéla, Kaya dont des milliers de personnes en sont bénéficiaires ». Une réussite qui fait fierté. A-t-il un secret particulier ?

L’agriculteur, arrêté dans un « champ » de production de l’Artemisia, rétorque. « Je me suis inspiré des anciens comme Pierre Rabhi, Saidou Ouédraogo qui sont des anciens de l’agroécologie au Burkina. Nous les avons côtoyés et inspiré de leurs expériences et nous avons innové par la suite ».

Son amour pour l’agriculture ne date pas de maintenant. Fils d’agriculteur, depuis le bas-âge, il s’est dit que l’agriculteur est son métier. Etant étudiant, il faisait des activités agricoles.

« Après les cours, je quittais l’université pour traverser la ville sur mon vélo pour rejoindre les baffons », se rappelle-t-il. Malgré, la pluie matinale, le soleil était au rendez-vous. Une colonne de sueur coulait, mais cela n’empêche Abdoul Razack Belemgnegré de continuer la tournée.

Association Béo-neeré agroécologie
La ferme-école de l’Association Béo-neeré agroécologie est une école d’apprentissage des nouvelles techniques agricoles.

Le centre existe depuis 2018 et accueille des milliers de visiteurs et des centaines d’étudiants pour des stages. Et pour que ce rêve se réalise, il a fallu qu’après ses études en droit, il vienne en renfort à son géniteur, Souleymane Belemgnegré, président de l’Association Béo-neeré.

« A mi-parcours de mes études, je me suis dit qu’il fallait que je me lance dans l’agroécologie. Il fallait maintenant faire des tournées en Afrique pour voir ce qui est déjà fait et apporter de l’innovation », c’est le pari gagné du « Paysan africain ». Il fait ainsi le Mali, le Sénégal sans oublié le Cuba où il a fait des études en agroécologie.

Absence de soutien des autorités burkinabè

La transition entre sa vie de juriste à celle d’agriculteur n’a pas été compliquée. « Passer de juriste de formation à Agriculteur, ce n’est pas sorcier. L’agriculture n’a pas besoin que l’on soit forcément agronome pour l’être. L’agriculture, c’est un mode vie, un choix, un engagement. Dès que tu t’y lances, tu es déjà à 50% des réussites de ton choix », conseille-t-il.

Le soleil est au zénith. Les visiteurs du jour sont fatigués. Mais, ce n’est pas le cas pour Belemgnegré qui est un habitué de sa ferme. Il se dirige vers la salle de formation. La satisfaction durant les quatre ans est énorme. L’objectif est presque atteint et il travaille à perfectionner.

Et comme tout activité, les difficultés n’en manquent point. « Il y a une absence de soutien direct des autorités Burkinabè. Toutefois, comme elles nous laissent travailler, nous pouvons dire que c’est un soutien », regrette l’agoécologiste.

Malgré qu’il reçoive Burkinabè pour des formations dans l’optique de l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire, son centre est en insuffisance de logement.

« Des Organisations non-gouvernementales et associations nous viennent en aide à travers des invitations à des fora internationaux, à des soutiens techniques et financiers. Toutefois, c’est au niveau local qu’on doit nous promouvoir avant que l’international ne le fasse », souhaite l’agriculteur.

Heureux de la visite, l’homme prend place dans son véhicule, que lui-même conduit, et accompagne ses visiteurs jusqu’à Kossodo avant de reprendre la route de sa ferme.

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