Accès aux énergies renouvelables au Burkina : Défis des communes et l’engagement des organisations de la société civile
L’accès à l’énergie est un enjeu majeur au Burkina Faso. En dépit des actions politiques, la couverture énergétique peine à atteindre toutes les populations. Comme alternative, les énergies renouvelables sont promues. Nous avons fait un zoom sur les engagements au niveau national, la réalité dans les communes rurales en matière d’accès aux énergies propres et le combat des organisations de la société civile pour l’accès à ces énergies durables aux populations.
Malgré les 55 % d’importation de la consommation d’électricité de la sous-région, principalement du Ghana et de la Côte d’Ivoire, moins de 50 % de la population a accès à l’énergie au Burkina Faso. Pourtant, le Burkina s’était fixé un objectif en 2021 d’atteindre l’accès universel à l’énergie dans 5 à 10 ans. Le pays comptait sur l’énergie solaire, car il bénéficie du meilleur ensoleillement de la sous-région soit 3000 heures de rayonnement solaire par an avec un gisement de 5,5 à 6 kilowattheures par mètre carré chaque jour, selon l’Agence nationale des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique (ANEREE). Cependant, le constat est amer sur le terrain.
Commune rurale de Koubri, à 30 kilomètres au sud de Ouagadougou, l’énergie renouvelable est peu adoptée. Quelques lampadaires, des lieux de commerce et des habitats fonctionnent à base de plaques solaires photovoltaïques. La majorité des villages de cette commune est privée d’énergie. La ville de Koubri dépend en grande partie de l’énergie fossile. Le premier vice-président de la Délégation spéciale de Koubri, Sibiri Compaoré, le confirme en plaidant pour l’arrivée de projets œuvrant dans l’énergie solaire.
Pour lui, dans le plan de développement communal, des politiques sont entreprises pour doter certaines structures de plaques solaires, mais cela ne couvre pas les 26 villages. « Les énergies renouvelables comme le solaire sont prisées à Koubri. Elles sont bénéfiques en termes de coût énergétique et protègent l’environnement », clame monsieur Compaoré.
Parmi les défis liés à la promotion des énergies renouvelables dans la commune de Koubri, le coût élevé des équipements solaires et la qualité du matériel. Le Premier vice-président invite l’État à agir pour assainir le milieu afin de redonner confiance à la population et l’encourager à adopter ces sources d’énergie propre. Il rassure que sa commune a la volonté d’adopter les énergies renouvelables dans les années à venir. « Nous voulons que d’ici 2030, tous les villages soient électrifiés avec de l’énergie renouvelable », confie-t-il.
Autre localité, autre réalité. À Saponé, dans le Bazéga, nous avons été reçus, le vendredi 12 juillet 2024, par le président de la commission « environnement » de la Délégation spéciale de de ladite commune, le Capitaine des Eaux et Forêts, Norbert Zoungrana. Il est par ailleurs le chef du service départemental en charge de l’Environnement de Saponé. Il souligne que la commune de Saponé a pris en compte les énergies renouvelables dans son Plan de développement communal. « Nous faisons la promotion des bioénergies comme les biodigesteurs et les foyers améliorés.
Lire la vidéo : Accès aux énergies renouvelables : l’engagement du projet Appui à la promotion de la CDN
En plus de l’accompagnement des populations pour une exploitation rationnelle du bois, nous avons adopté pour les panneaux solaires photovoltaïques. L’éclairage public du centre de Saponé fonctionne à base de l’énergie solaire et dans le budget actuel de la commune, il est prévu l’acquisition de 25 lampadaires solaires pour étendre l’éclairage public », cite le Capitaine Zoungrana.
Dans cette commune, plusieurs projets interviennent dans la promotion des énergies renouvelables. C’est l’exemple du projet Tiipalga qui forme les femmes à la fabrication des foyers améliorés, du Programme national des biodigesteurs qui intervient dans la commune pour la promotion des biodigesteurs, et du « Projet ton futur, ton climat » qui œuvre pour les énergies renouvelables. « Les principales sources d’énergie renouvelables à Saponé sont les plaques solaires photovoltaïques et la biomasse à travers les foyers améliorés.
Les énergies renouvelables sont bénéfiques aux populations de Saponé. Des jardins nutritifs sont installés avec des forages solaires financés par le Fonds d’intervention pour l’environnement. Ces énergies propres sont aussi au bénéfice de la santé humaine et environnementale, car elles permettent de réduire les maladies respiratoires liées à la fumée du charbon de bois et protègent l’environnement de la coupe du bois. « Nous aurons des bioengrais issus des biodigesteurs. Nous aurons des substituts du bois, la réduction des émissions de gaz à effet de serre des énergies fossiles », mentionne le forestier.
La commune est confrontée à des contraintes financières liées à la maintenance des équipements mais également au coût du matériel. Il y a aussi, selon la délégation spéciale, la réticence de la population au changement malgré les multiples sensibilisations. Toutefois, Saponé s’aligne dans la vision d’une transition énergétique durable en s’appuyant sur le Plan d’actions nationales pour l’efficacité énergétique 2015-2030 et le Plan national sur les énergies renouvelables. La commune fonde espoir que la population de Saponé adopte les années prochaines les énergies renouvelables au détriment de celles fossiles.
Le projet CDN pour les énergies renouvelables
Un espoir porté par plusieurs organisations qui veulent faire des énergies renouvelables les principales sources énergétiques du pays. C’est le cas du Projet Appui à la promotion de la Contribution déterminée au niveau national du Burkina Faso (CDN) mise en œuvre par le consortium CESAO-AI et Afrique verte Burkina. Le Burkina Faso, avec la ratification de l’Accord de Paris sur le Climat, s’est engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) tout en renforçant la résilience des populations face aux changements climatiques.
À l’horizon 2030, dans sa première CDN 2015-2020, le pays des Hommes intègres s’engageait à réduire de 18,2 % ses GES par rapport au scénario de référence pour les actions d’atténuation et de 36,95 % pour la mise en œuvre des actions d’adaptation. Pour celle de 2021-2025, le pays a augmenté ses ambitions en optant pour une réduction de 16,25 % en 2025 et à l’horizon 2030, de 29,42 %.
Le projet est financé par Misereor, et a débuté en mars 2022 pour se terminer en décembre 2024. Son objectif, selon le spécialiste en changement climatique du projet CDN, Daniel Ilboudo, est de contribuer à la décarbonisation du secteur énergétique et de permettre l’accès à des énergies renouvelables, décentralisées et durables.
La CDN note une augmentation de 8 % des émissions nationales de GES entre 1995 et 2015 dans le secteur de l’énergie. Ainsi, dans la cadre de la mise en œuvre du projet CDN, des activités de renforcement de capacités et d’étude de cas ont été menées. Il s’agit de l’étude sur la transparence climatique et les effets des CDN, les ateliers, les foras de formation et de sensibilisation sur la Contribution déterminée au niveau national du Burkina et le Plan national d’adaptation aux changements climatiques, l’appui à la formalisation du cadre de transparence sur le climat, du comité national changement climatique. Nombreuses sont les communes qui ne bénéficient pas d’énergie courante.
L’alternative, c’est l’énergie renouvelable. « Il faut travailler à mettre en place une centrale solaire pour faire bénéficier. Avec les 3000 KWH par an, le soleil peut contribuer à booster les activités socio-économiques de ces communes », soutient monsieur Ilboudo.
En s’appuyant sur les données de la troisième communication nationale sur les changements climatiques, il révèle que le secteur de l’énergie vient en deuxième position en matière d’émission de gaz à effet de serre. Alors, les énergies renouvelables vont contribuer à décarboniser le secteur et à conserver les produits agricoles et à éclairer les communes.
Le projet prévoit un plaidoyer dans des communes pour la prise en compte des énergies renouvelables. Le Premier ministère, l’Assemblée législative de Transition, les ministères de l’Environnement et de l’Énergie sont aussi des cibles du plaidoyer pour les rendre sensibles à la problématique des énergies renouvelables. Une stratégie de plaidoyer relative à la mise en œuvre de la CDN et l’accès aux énergies renouvelables a été élaborée dans le cadre de la mise en œuvre du projet CDN.
Dans la seconde phase du projet, il est prévu de l’accompagnement pour la mise en place de mini-centrales solaires dans les établissements scolaires et les centres de santé. Les familles vulnérables seront dotées de kits d’énergies renouvelables sans occulter la promotion des biodigesteurs. Faut-il souligner que les biodigesteurs ont été expérimentés par le Programme national Biodigesteurs avec un objectif de 100 000 unités à l’horizon 2030. En juin 2015, le programme avait déjà construit environ 7000 pour des ménages. Des données compilées dans le Plan d’actions nationales des énergies renouvelables du Burkina Faso (PANER).
Actions d’autres organisations
Le projet CDN peut compter sur la présence d’autres organisations pour promouvoir la transition énergétique vers les énergies renouvelables. C’est l’exemple de la Coalition nationale pour la promotion des énergies renouvelables et pour l’accès à l’énergie durable (CNPDER) au Burkina Faso, mise en place le 3 août 2018. Avec une trentaine de membres, la CNPDER est une synergie d’actions des OSC pour un suivi et une analyse des actions des autorités en vue de les interpeller sur les engagements nationaux et internationaux en matière d’énergies renouvelables. Des actions de veille et de lobbying en faveur de l’accès des populations aux énergies renouvelables sont menées.
Le président du groupe d’experts de la coalition, Dr Charles Didace Konseibo, que nous avons rencontré le 21 juin 2024, pose un diagnostic de la situation énergétique du Burkina. Il note que la couverture énergétique n’est pas étendue au Burkina Faso et le mix énergétique avec les énergies renouvelables est de 3 %. « La Société nationale burkinabè de l’électricité (SONABEL) couvre 70 % du pays, mais toute la population burkinabè n’a pas accès à l’énergie. Il existe des zones traversées par les lignes électriques, mais les populations ne sont pas raccordées », remarque le Dr Konseibo.
Le recours ultime est l’énergie renouvelable, qui est une solution décentralisée. Une politique de l’État sur la réduction des taxes sur l’importation des plaques solaires date de 2012-2013 a permis à beaucoup de populations d’avoir accès à un système solaire photovoltaïque pour s’éclairer, car les besoins des populations sont notamment l’éclairage, la télévision et la recharge des batteries. Le diagnostic a aussi montré un engouement autour des énergies renouvelables, mais les installations sont de moindre qualité et le découragement s’est installé.
C’est ainsi que le CNPDER a élaboré un plan de plaidoyer pour permettre aux populations d’avoir accès à une énergie durable de qualité et pour obtenir une subvention conséquente afin de disposer de produits moins chers. « Un plaidoyer est fait au niveau du gouvernement pour qu’il y ait une formation de niveau intermédiaire pour les installations photovoltaïques », renchérit le président du CNPDER.
Si, au niveau des communes de Koubri et de Saponé, les coûts élevés des équipements sont pointés du doigt, Dr Charles Konseibo voit l’ignorance des populations comme obstacle à l’adoption des énergies renouvelables. Car, dit-il, une étude montre que les populations ont la capacité d’accéder au matériel en magasin et de faire appel aux services d’installateurs professionnels, mais ces personnes se rendent sur les marchés qui sont inondés de plaques solaires et de régulateurs de mauvaise qualité et moins chers. « Nous avons la Caravane des énergies renouvelables au cours de laquelle nous faisons de la sensibilisation en présentant du matériel de qualité et des techniciens de qualité », informe Dr Konseibo.
L’autre problème, c’est l’absence de contrôle de qualité. « Il existe des structures qui devraient faire ce travail, mais ce n’est pas effectif. Sauf lorsque l’on a un marché public qu’il est demandé l’origine du matériel. Pour le matériel sur le marché, il n’y a aucun contrôle », dénonce-t-il. Il ajoute qu’une étude menée par sa structure révèle que même les installations faites par l’État dans les marchés et les rues ne sont pas durables. Chose qui ne permet pas de convaincre les populations quant à la qualité des énergies solaires. Il s’interroge sur les services après-vente des projets d’installation solaire de l’État.
Décentraliser les centrales photovoltaïques.
Il salue la volonté du pays de promouvoir les énergies renouvelables la création de l’ANEREE, les projets d’électrification au niveau du ministère en charge de l’Énergie et le programme de certification. Toutefois, il y a une lenteur dans la mise en œuvre de ces projets. « Nous souhaitons qu’il y ait une décentralisation des centrales photovoltaïques afin de permettre aux populations des zones reculées d’en bénéficier », plaide-t-il.
La biomasse, avec un potentiel exploitable estimé à 2515 millions de m3 en 2015, est la principale ressource énergétique du Burkina, selon PANER. 90 % des ménages utilisent le bois comme source d’énergie. « Les consommations en charbon de bois représentent respectivement 2066992 tonnes en 2010 et 2296254 tonnes de bois en 2012 en considérant des rendements de carbonisation moyens estimés à 16 % », peut-on lire dans le PANER, entrant dans le cadre de la mise en œuvre de la Politique d’énergies renouvelables de la CEDEAO.
Toutefois, le solaire est la principale source d’énergie renouvelable, selon le président du CNPDER. Il peut être utilisé en solaire photovoltaïque ou pour le chauffage, notamment les fours solaires. Le Burkina peut également investir dans l’hydroélectricité en s’appuyant sur les barrages électriques existants comme Bagré et Kompienga.
Il recommande aussi la biomasse, c’est-à-dire les déchets végétaux, pour produire de l’énergie soit par gazéification, soit par carbonisation pour les besoins de cuisson. Pour le pompage de l’eau, Dr Konseibo suggère l’énergie éolienne. « Pour l’efficacité, nous promouvons les foyers améliorés pour réduire la pression sur l’environnement », complète l’expert. Au regard des effets des changements climatiques, il fonde l’espoir que les énergies renouvelables soient adoptées pour remplacer les énergies fossiles et les gaz émis par les industries du charbon.
Tout comme le président du CNPDER, la coordonnatrice du projet COOP ARE (Coopération des organisations panafricaines de la société civile pour 100 % énergies renouvelables en Afrique), Dr Leaticia HEMA, spécialiste en énergie, fait la promotion des énergies renouvelables. Dans son bureau à Ouagadougou, le 24 juin 2024, elle donne les détails sur son projet. Ces actions sont entre autres du plaidoyer, du lobbying et du réseautage des organisations de la société civile au Burkina, Mali, Bénin, Sénégal et Niger. Se penchant sur les défis liés à la promotion des énergies renouvelables au Burkina Faso, Dr HEMA soulève l’insuffisance de financement des projets dans ce secteur.
Elle voit aussi un problème d’expertise et de technologie. D’où son appel à plus de formation et de renforcement des capacités des acteurs sur le terrain. Elle relève aussi l’incohérence des politiques en matière d’énergies renouvelables. Pour atteindre l’autosuffisance énergétique, elle prône l’investissement dans la recherche scientifique dans le domaine de l’énergie et l’adoption de politiques bénéfiques aux populations. Avec les énergies renouvelables, il y aura une réduction du coût énergétique et une diminution des émissions de gaz à effet de serre. Ces organisations de la société civile invitent les gouvernants à réduire les coûts des équipements et à alléger la fiscalité pour faciliter l’acquisition du matériel. Elles prônent l’installation d’unités industrielles locales de fabrication des équipements d’énergies renouvelables.
Actions de l’Etat
Des actions sont mises en œuvre au niveau étatique à travers l’Agence nationale des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique (ANEREE). Du 25 au 27 juin 2024, elle a réalisé 11 diagnostics énergétiques dans des ménages de Ouagadougou avec des rapports soulignant des non-conformités récurrentes telles que l’absence de coffret de répartition et de disjoncteur différentiel dans des installations solaires. L’ANEREE a aussi sélectionné cinq entreprises pour des tests de contrôle qualité. « Sur 30 modules solaires, 30 batteries et 30 onduleurs testés, tous les modules solaires et 20 batteries et onduleurs ont été jugés conformes », note le Directeur général de l’ANEREE, Tobouré Gandré.
« La Maison des solutions énergétiques » a piloté le projet 10 actions canicules, la formation de plus de 7000 jeunes aux métiers du solaire, la mise à disposition des ménages de plus de 5000 kits solaires, la réalisation d’audits et des sensibilisations pour l’utilisation rationnelle de l’énergie. Pour répondre aux besoins des populations, à savoir l’amélioration de l’offre, la qualité et l’accès à l’énergie, l’institution veut se doter d’un plan stratégique 2025-2029. Parlant de transition énergétique dans les collectivités, l’ANEREE était le 24 juillet 2024 à Dédougou.
Cette commune ne possédant pas de plan d’investissement énergétique et vivant un calvaire en matière d’énergie, l’ANEREE a proposé une convention de partenariat qui va intégrer les besoins de la commune. À l’image de l’ANEREE, il y a plusieurs institutions mises en place par l’État comme l’Agence burkinabè de l’électrification rurale, l’Autorité de régulation du secteur de l’énergie et les coopératives d’électricité.
Toutes ces organisations sont encadrées par la loi 014-2017 portant Règlementation générale du secteur de l’énergie. Il eut aussi l’installation de plusieurs centrales solaires. L’on a les centrales solaires de Kodéni dans les Hauts-Bassins (38 Mégawatts crêtes (MWc), celle de Zano dans le Centre-Est (38 MWc), celle de Pâ dans la Boucle du Mouhoun (30 MWc), celle de Mogtédo dans le Plateau Central (30MWc). Sans oublier, les centrales solaires photovoltaïques de Ziga de 1,1 mégawatts (mW), de Zagtouli (33 mW). Ces sources d’énergies sont interconnectées à la SONABEL. Selon les données de la SONABEL, 74 000 foyers sont désormais électrifiés a Zano, Pâ et Mogtédo.
Lire aussi : Engagement du projet Appui à la promotion de la CDN en matière de lutte contre les déchets plastiques
www.infonature.net avec l’appui du projet CDN